La Victoire, une histoire d’amour avec la France
Depuis la Révolution qui accorda la citoyenneté à la communauté juive française en 1791, et surtout depuis le Premier Empire au cours duquel l’empereur Napoléon Ier a mis sur pied les structures d’organisation du culte israélite en créant le Consistoire Israélite de France en 1808, les juifs français ont voué un attachement profond à la patrie qui leur accordait l’égalité des droits avec les autres citoyens.
Pendant la Restauration de la monarchie de 1815 à 1848 et surtout sous le Second Empire de 1850 à 1870, la communauté juive parisienne a plus que doublé passant de 12.000 à 25.000 membres.
Au cours du Second Empire les juifs ont très largement participé à la révolution industrielle de la France ainsi qu’au rayonnement culturel de Paris. Le quartier de l’Opéra, restructuré par le Baron Haussmann, est devenu le centre économique et culturel de cette époque en accueillant les sièges des grandes banques et des compagnies d’assurances, ceux des grandes entreprises industrielles et commerciales de l’époque, compagnies ferroviaires et grands magasins, mais aussi les grands théâtres comme l’Opéra Garnier ou l’Opéra-Comique, et le Grand Hôtel.
L’empereur Napoléon III très reconnaissant pour le dynamisme qu’apportaient les grands financiers et entrepreneurs juifs au rayonnement de Paris et de la France a voulu doter la communauté israélite d’un lieu de culte digne de son importance. La première grande synagogue de Paris, celle de la rue ND de Nazareth, créée en 1830, étant beaucoup trop petite et surtout située dans un quartier moins prestigieux que celui de l’Opéra, où toute la bourgeoisie juive s’était installée.
Sous l’égide du Grand Rabbin Lazare Isidore et de Gustave de Rothschild les travaux de la synagogue de la Victoire ont débuté en 1867, sur l’emplacement d’un hôtel particulier offert en cadeau de noces par Napoléon Bonaparte à son frère Louis lors de son mariage avec Hortense de Beauharnais, elle-même fille d’un premier mariage de l’impératrice Joséphine, Louis Bonaparte et Hortense étant les parents de l’Empereur Napoléon III.
Le terrain a été offert à la Ville de Paris par la famille impériale et les travaux de la synagogue ont été financés par la communauté juive et principalement par la famille Rothschild, d’où le surnom de Rothschild Schule souvent donné à La Victoire.
Initialement la Grande Synagogue devait ouvrir sur l’actuelle rue de Châteaudun, beaucoup plus large que la rue de la Victoire, mais l’épouse de Napoléon III, l’impératrice Eugénie, espagnole, ne partageait pas l’affection de son mari pour les juifs. Aussi a-t-elle refusé que l’entrée d’une synagogue puisse se faire à mi-chemin entre les deux églises du quartier : La Trinité et ND de Lorette. L’entrée principale de la synagogue est donc sur la rue de la Victoire, nom donné en mémoire de la campagne victorieuse de Bonaparte en Italie ; la synagogue est, dès lors, orientée vers le nord et non vers Jérusalem comme l’aurait exigé la tradition.
La guerre entre la France et l’Allemagne de 1870 puis la Commune ont interrompu les travaux et ce n’est qu’en 1874 que la synagogue a été inaugurée, puis ouverte au public en 1875.